Définitions, pratiques et arguments concrets
La chasse à courre (ou vénerie) est un mode de chasse qui consiste à poursuivre un animal sauvage à l’aide d’une meute de chiens courants, conduite par un équipage de chasseurs (piqueux, veneurs, cavaliers, suiveurs). À la différence de la chasse à tir, aucune arme à feu n’intervient pendant la poursuite : le cœur de la pratique est le travail du chien, la lecture des voies, la stratégie de la meute et la science du territoire. Dans la réalité du terrain en France, trois fois sur quatre, l’animal chassé échappe à la meute. Sa vitesse, ses ruses, sa connaissance du biotope et son endurance font souvent la décision.
Pourquoi les veneurs affirment-ils que la vénerie est « le plus naturel des modes de chasse » ?
D’abord parce que la sélection s’opère sans tir : le chien remonte l’odeur, lance l’animal, le perd et le relance à plusieurs reprises.La prise n’est ainsi jamais garantie. La vénerie s’inscrit dans la logique de la sélection naturelle : la meute se concentre sur un individu en mouvement, généralement valide, et l’issue dépend de l’instinct de chacun. Ensuite, parce que l’effort est réel et réversible : la poursuite s’interrompt si la voie se perd (mise en défaut s’il « donne le change » (en donnant la voie ou la vue à la meute d’un congénère). Enfin, parce que le calendrier et l’espace sont encadrés : jours, territoires, cohabitation avec les autres usages de la forêt, respect des cultures et des propriétés privées.
Le rôle du chien de chasse à courre : du chenil au lancer
Tout part du chenil : lever tôt, nourrir, soigner, entraîner. Un chien de vénerie apprend à maintenir la voie, à ignorer les animaux non visés (on parle de créancer un chien sur un seul animal), à obéir à la voix du veneur et aux fanfares des trompes de chasse ou d’une pibole. Sur le terrain, deux profils clés :
- Le limier (au pied à l’aube, tenu en laisse) : il « prend la voie », indique la présence d’un cerf ou d’un sanglier.
- La meute de chiens courants : découplée au bon endroit, elle exploite la voie froide, la remonte, lance et entretient la poursuite.
Les ruses classiques de l’animal poursuivi : rembucher, « couper l’eau » (rivière, étang), faire demi-tour sur sa propre voie (hourvari), ou « donner le change » avec la voie d’un congénère. Ces épisodes sont fréquents et expliquent qu’environ trois fois sur quatre l’animal triomphe.
La place du veneur et de l’équipage
Le veneur ne « tue » pas ; il encadre. À pied pour la petite vénerie (lièvre, lapin, renard), à cheval et à vélo pour le cerf, le sanglier ou le chevreuil. Il veille ainsi à la sécurité des chiens, au respect des clôtures, à la circulation, au dialogue avec les riverains. Les cavaliers se positionnent pour lire le terrain et tenter de prendre les devants pour voir l’animal. La complicité homme–chien naît dès les premières semaines du chiot et se travaille toute une vie : un équipage efficace, c’est un dressage patient, des soins vétérinaires réguliers, un chenil propre, des entraînements progressifs et une connaissance intime des territoires.
Histoire brève et chiffres clés (France)
- 5 000 av. J.-C. : domestication du chien et du cheval, usage cynégétique.
- 1526 : édit de François Iᵉʳ organisant la chasse à courre comme art de vivre (cor, codes, articles de police de la chasse).
- XXᵉ siècle : démocratisation ; la vénerie n’est plus réservée à l’aristocratie, les équipages s’ouvrent en association (cotisations, bénévolat).
Aujourd’hui, la vénerie est pratiquée dans plusieurs pays. En France, on compte de l’ordre de 390 équipages, environ 110 000 veneurs, quelque 30 000 chiens et 7 000 chevaux (souvent des chevaux réformés des courses, « sauvés » de l’abattoir et rééduqués). La pratique s’exerce dans une large part du pays, avec des équipages de grande et de petite vénerie, et un public de chasseurs et de suiveurs (à pied, à vélo).
Une journée type :
- Faire le pied : très tôt, le limier relève les indices (empreintes, laissées). L’équipage choisit un animal en fonction des indices, de la localisation géographique, de l’enceinte où il se trouve.
- Découpler et lancer : la meute est lâchée sur le « pied », c’est à dire là ou le limier a eu connaissance d’une voie sérieuse.
- Poursuite : Les veneurs tentent de suivre au plus près la meute. Ils aident la meute lors des défauts et peuvent donner des vues. Les suiveurs se repositionnent, informent, sécurisent notamment des routes.
- Dénouement : le plus fréquent est la mise en défaut durable ; l’animal garde l’avantage et gagne. Lorsque la prise survient, elle est rapide (l’animal est tenu par les chiens ou pris) ; s’ensuit la curée, l’animal étant préparé puis donné à la meute. Il arrive parfois que quelques morceaux reviennent à des riverains selon l’usage.
Arguments concrets des partisans : que répond la vénerie à la controverse ?
« Loisir sanguinaire » ? La vénerie n’est pas une succession de prises : l’issue est incertaine et, dans les faits, l’animal chassé s’échappe la majorité du temps. La pratique valorise la course, la ruse et la biodiversité de milieux vivants où l’animal connaît chaque coulée.
Bien-être et durée de poursuite : l’équipage responsable respecte des distances, des horaires et des zones sensibles . Les codes (sonneries, ordres, arrêt) existent pour éviter les incidents. La poursuite cesse en cas de problème (routes, zones habitées, accès à sécuriser) : c’est un cadre, pas une chasse « à tout prix ».
Sélection et régulation : l’animal sauvage en pleine santé s’échappe souvent ; la prise survient parfois sur un individu désavantagé (fatigue, âge) — logique proche de la prédation naturelle. Pour le renard, certains équipages soulignent l’enjeu sanitaire (échinococcose), la protection des élevages de volailles et le rôle de la régulation locale (notamment pour les cervidés et les sangliers).
Impact écologique : pas de tir, pas de plomb, pas d’agrainage ; pas de battues . Le passage d’un équipage est ponctuel, la forêt reste indemne, les layons sont entretenus, les clôtures sont refermées. Les veneurs contribuent aux chemins, à la préservation de haies, à la lutte contre les espèces envahissantes (ronces, rejets). Les chiens exercent un instinct millénaire ; l’empreinte carbone d’une journée (à cheval, à pied) reste limitée.
Sécurité et cohabitation : les maîtres d’équipage communiquent avec les communes évitent des secteurs à risque, forment les suiveurs. Les sonneries préviennent. Le code de bonne conduite proscrit l’entrée dans les jardins, respecte les cultures, planifie les traversées.
Économie rurale et patrimoine : emplois de maréchaux-ferrants, selliers, vétérinaires, éleveurs, artisans (trompes, boutons, bottes), hébergement et restauration locales. La pratique attire des français et des suiveurs de toute la France : elle fait vivre des zones rurales.
Cadre légal : ce que dit le code de l’environnement
La chasse à courre est légale en France, organisée par le code de l’environnement et les arrêtés (jours, espèces, territoires). L’exercice demande permis de chasser, assurance, respect des périodes, des règles de sécurité et de propriété. Des propositions de loi visant à interdire ou modifier la vénerie ont été débattues ; jusqu’à présent, la réglementation maintient la pratique, sous contrôle préfectoral et avec des obligations strictes pour les équipages. À l’étranger, des pays ont choisi d’autres voies (interdiction partielle, version « sans prise »), mais la vénerie française poursuit un modèle encadré.
Quels animaux sont chassés à courre ?
- Grande vénerie : cerf, sanglier, chevreuil.
- Petite vénerie : renard, lièvre, lapin.
Le choix dépend des milieux, des populations, des articles d’arrêtés et de la pratique locale. La faune sauvage ciblée reste commune à l’échelle nationale, avec des plans de chasse et un suivi.
Devenir chasseur à courre : une pratique ouverte
Obtenir le permis de chasser, rejoindre une association, se former au chenil, aux sonneries, aux fanfares, aux règles. Beaucoup commencent à pied ou à vélo puis passent à cheval. La meute se mérite : donner de son temps, panser les chiens, curer le chenil. La passion l’emporte : c’est une école d’humilité.
Idées reçues : réponses rapides
- « La vénerie, c’est l’abattage » : non. Courre ≠ tir. L’enjeu est la poursuite, la technique du courre et le triomphe fréquent de l’animal.
- « Les chiens souffrent » : chiens athlètes, suivis vétérinaires, alimentation calibrée, repos, soins quotidiens. Les chiens vivent pour courir, c’est leur race et leur instinct.
- « C’est réservé à une élite » : cotisations associatives comparables à d’autres loisirs, bénévolat, ouverture au public, journées d’initiation, suiveurs nombreux.
- « C’est hors du temps » : codes hérités, oui, mais encadrement moderne, radios, cartographies, formations sécurité, échanges avec les autres usagers.
En conclusion : une pratique exigeante, un débat qui mérite des faits
La chasse à courre demeure en France une pratique encadrée et vivante, fondée sur la meute, le travail du chien, la lecture du terrain et la biodiversité de faune sauvage. Elle est controversée ; elle répond par des faits : animal traqué qui s’échappe très souvent, absence de tir pendant la poursuite, entretien des milieux, retombées rurales, règles strictes et sécurité. Héritée de siècles d’histoire, adaptative et contrôlée, la vénerie continue d’exister parce qu’elle conjugue tradition, pratique de la chasse, responsabilité, passion et parce qu’elle place, au centre, l’animal et le chien.





Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.