Si la chasse est une passion, une tradition et un outil de régulation de la faune sauvage, elle peut parfois avoir des conséquences pour les particuliers. La question mérite d’être posée : un particulier peut-il demander une indemnisation aux chasseurs ? Que dit la loi ? À qui s’adresser ? Dans quelles circonstances une réclamation est-elle recevable ?
Le principe de responsabilité des chasseurs est encadré par la loi
La chasse est encadrée par le Code de l’environnement, qui pose un principe fondamental : toute personne ou entité organisant ou pratiquant une action de chasse est responsable des dommages causés par cette activité. Ce principe de responsabilité civile s’applique notamment à travers l’article L426-1 du Code de l’environnement, qui impose aux fédérations départementales des chasseurs de souscrire une assurance destinée à couvrir les dégâts de gibier et les dommages causés aux tiers lors d’une action de chasse. En pratique, cela signifie qu’un particulier victime de dommages peut, sous certaines conditions, être indemnisé, que le préjudice concerne une personne, un bien ou un animal domestique.
Quels types de dommages sont concernés ?
Trois grands types de préjudices peuvent donner lieu à indemnisation : les dommages matériels (clôture endommagée, véhicule touché par un tir accidentel, toiture percée par une balle), les dommages corporels (blessure due à une balle perdue ou à un chien de chasse), et les dommages aux animaux domestiques. La question du tir sur les chats ou les chiens est d’ailleurs délicate : bien que strictement interdit par la loi, certains cas font polémique et ont conduit à des affaires médiatisées, comme celle de Willy Schraen évoquant les chats errants, qui avait suscité un tollé.
La procédure à suivre pour demander réparation
Un particulier confronté à un dommage doit rassembler un maximum de preuves : photographies, témoignages, rapports vétérinaires ou médicaux, devis de réparation, etc. Il doit ensuite contacter la fédération départementale des chasseurs concernée, en expliquant précisément les faits, la date, le lieu, et en identifiant si possible l’organisateur de la battue ou de l’action de chasse. La fédération fera suivre la demande à son assurance, qui ouvrira un dossier d’instruction. En parallèle, il est fortement conseillé de déposer plainte si une infraction pénale est suspectée (tir à proximité d’une habitation, atteinte à un animal domestique, non-respect des règles de sécurité).
Quelles sont les limites de l’indemnisation ?
Il faut bien comprendre que l’indemnisation n’est pas automatique. Elle repose sur l’existence d’un lien clair entre l’action de chasse et le dommage subi. Si ce lien ne peut être démontré (par exemple, une clôture abîmée dont on ne peut prouver qu’elle l’a été pendant une battue), le dossier peut être rejeté. De même, si le chasseur en faute n’est pas identifié, l’assurance peut refuser d’indemniser, sauf si la battue était organisée par une ACCA (Association Communale de Chasse Agréée) ou une société de chasse assurée. Enfin, certaines polices d’assurance prévoient des franchises ou des plafonds d’indemnisation.
Cas particulier : les dégâts de gibier
Autre situation fréquente : les dégâts causés par la faune sauvage. Le sanglier est, à ce titre, l’espèce responsable de la grande majorité des dégâts agricoles en France. Là encore, la loi prévoit une indemnisation, mais uniquement pour les agriculteurs via un dispositif géré par les fédérations départementales. Les particuliers (propriétaires de jardins, de vergers, ou d’espaces boisés non cultivés) ne peuvent prétendre à cette indemnisation, sauf exception locale prévue par arrêté préfectoral. En revanche, ils peuvent installer des dispositifs de protection (clôtures, répulsifs) ou demander un classement en espèce susceptible d’occasionner des dégâts (anciennement « nuisible »), pour obtenir le droit de capture ou de tir.
Les recours en justice restent possibles
Si la réponse de la fédération ou de l’assurance ne satisfait pas le particulier, celui-ci peut saisir la justice. En fonction du litige, le tribunal compétent sera le tribunal judiciaire (dommages matériels ou corporels) ou administratif (si une faute est imputée à une collectivité territoriale ou à une association agréée). Il est alors vivement conseillé de se faire assister par un avocat ou une association de protection, notamment dans les cas de litiges impliquant des animaux domestiques ou des propriétés privées.
Qu’en est-il des actions de braconnage illégales ?
Dans certains cas, des actions de chasse sont menées en dehors de tout cadre légal : chasse sans autorisation, en dehors des périodes d’ouverture, à proximité immédiate d’habitations ou en violation des règles de sécurité. Ces situations relèvent du pénal. Le particulier lésé peut déposer plainte auprès de la gendarmerie ou du procureur. En cas de condamnation, des dommages et intérêts peuvent être alloués au titre du préjudice subi, en plus des amendes infligées aux contrevenants. Là encore, les preuves sont essentielles.
Le rôle des mairies et de la préfecture
En cas de tensions répétées ou de sentiment d’insécurité, les particuliers peuvent également alerter leur mairie. Le maire, garant de la sécurité publique sur sa commune, peut prendre des arrêtés temporaires ou alerter les services de l’État. De son côté, la préfecture peut restreindre certaines zones de chasse ou revoir les plans de chasse en cas de déséquilibres importants.
Prévenir plutôt que guérir : la concertation comme solution
Enfin, avant d’en arriver à l’indemnisation ou au contentieux, la concertation locale reste la meilleure voie. De nombreuses ACCA organisent des réunions d’information, des battues encadrées et ouvertes aux riverains, ou mettent en place des médiateurs cynégétiques. Des panneaux de signalisation, un balisage visible des zones chassées et des outils numériques (SMS, cartes interactives) peuvent également réduire les risques de conflit.
Prévention et dialogue restent les armes les plus efficaces
Oui, un particulier peut demander une indemnisation aux chasseurs, mais sous certaines conditions strictes. L’existence d’un dommage réel, l’identification de l’auteur ou de l’organisation responsable, et le respect des procédures administratives sont essentiels. Dans un contexte où la cohabitation entre les usagers de la nature est parfois tendue, l’information, la prévention et le dialogue restent les armes les plus efficaces pour éviter les contentieux et faire vivre la chasse dans le respect du droit et des citoyens.












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