La chasse du grand gibier a pris une importance considérable ces dernières années. Qu’il s’agisse de limiter les dégâts agricoles des sangliers, de l’évolution des plans de chasse chevreuils ou cervidés ou de réduire les accidents routiers près d’un million cinq cent mille grands animaux sont désormais prélevés à la chasse chaque année en France. La chasse génère un volume croissant de déchets de venaison (viscères, abats, peaux ou têtes qui doivent être gérés dans un cadre légal strict. Si certaines petites quantités peuvent être tolérées sur place sous conditions, d’autres doivent impérativement être collectées et éliminées selon les règles. Or, chaque saison, des cas d’abandon sauvage de déchets dans les bois ou en bord de chemin font naître des polémiques locales, ternissant l’image de la chasse.
Ce que disent la loi et les textes réglementaires
En matière de déchets issus de la chasse, deux cadres législatifs principaux s’appliquent : le Code de l’Environnement et le Code Rural, complétés par le règlement européen (CE n°1069/2009).
• Le Code de l’Environnement stipule que toute personne générant des déchets de nature à porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement est tenue d’en assurer l’élimination.
• Le Code Rural interdit formellement de « jeter en quelque lieu que ce soit » les sous-produits animaux.
• Le règlement européen, quant à lui, précise que les sous-produits issus de gibier sauvage peuvent faire l’objet d’une dérogation à condition que les chasseurs respectent les bonnes pratiques cynégétiques.
Concrètement, il est donc interdit d’abandonner les déchets de venaison n’importe où. Toutefois, une tolérance existe pour de petites quantités laissées sur place, à condition de choisir un endroit discret, éloigné des chemins fréquentés et des habitations. Cette disposition s’explique par le rôle écologique que peuvent jouer ces restes dans le cycle naturel, notamment pour la faune nécrophage. Mais cette tolérance n’a rien d’un droit absolu : si le dépôt entraîne des nuisances ou est visible du public, le chasseur s’expose à des sanctions.
Petites quantités : tolérance encadrée, mais responsabilité engagée
Lorsqu’un chasseur éviscère un sanglier ou un chevreuil sur son territoire la réglementation admet qu’il puisse laisser une petite quantité de viscères sur place. Cela reste toutefois soumis à des conditions de bon sens : éloignement des sentiers, absence de gêne pour les promeneurs, protection contre les chiens ou animaux domestiques, et absence de risques sanitaires.
Si la découpe est effectuée au domicile, les déchets peuvent être jetés dans les ordures ménagères, mais uniquement dans des volumes équivalents à ceux produits par un foyer classique. Au-delà, les chasseurs doivent recourir à un système de traitement adapté.
Grosses quantités : enfouissement ou collecte organisée
En cas de volumes importants, plusieurs dispositifs existent. Historiquement, les chasseurs ont recours à des fosses d’enfouissement respectant des règles strictes : éloignement des habitations (plus de 200 mètres), des cours d’eau et sentiers, respect des pentes et profondeur d’au moins 1,30 mètre. Chaque dépôt doit être recouvert de chaux vive et de terre, et la fosse protégée pour éviter qu’elle ne soit déterrée par des animaux sauvages.
Mais cette méthode atteint aujourd’hui ses limites, notamment dans les départements où les prélèvements sont importants. À titre d’exemple, plus de 300 tonnes de déchets de venaison sont générées chaque année dans le Gers. Face à ces volumes, les fosses ne suffisent plus.
Des initiatives locales : le projet pilote du Gers
Dans le département du Gers, une initiative pionnière est en cours de déploiement : la Fédération départementale des chasseurs et la communauté de communes du Grand Armagnac avaient mis en place un projet pilote de collecte des déchets de venaison. Plusieurs points de collecte équipés de bacs de 750 litres sont désormais installés. Les chasseurs pourront y déposer les déchets de découpe. En contrepartie, ils assureront l’entretien des lieux, tandis que la communauté de communes prendra à sa charge la collecte hebdomadaire par une société d’équarrissage.
Cette approche est fondée sur une idée simple : la régulation du grand gibier bénéficie à toute la collectivité, qu’il s’agisse de protéger les cultures, de réduire les collisions routières ou de limiter les déséquilibres écologiques. Il est donc logique que la gestion des déchets qui en découlent ne repose pas uniquement sur les épaules des chasseurs.
D’autres expérimentations en France
Le Gers n’est pas un cas isolé. Dans plusieurs départements, notamment en Côte-d’Or, des points de collecte mutualisés ont été mis en place avec succès : 24 plateformes sont aujourd’hui en service. Dans les Vosges, des tests de collecte expérimentale en forêts domaniales ont été menés en lien avec l’ONF. L’objectif : professionnaliser et sécuriser la filière d’élimination des sous-produits tout en réduisant les nuisances et les risques sanitaires.
Quand les déchets de venaison deviennent source de tension
Plusieurs affaires locales ont fait l’objet d’articles de presse au fil des années : viscères de sanglier abandonnés en bord de route, restes de cervidés déposés en lisière de forêt, sacs plastiques pleins d’abats découverts sur des chemins de promenade… Ces pratiques isolées, bien que marginales, entachent l’image de la chasse et nourrissent les discours hostiles. Elles constituent aussi une infraction. Les maires peuvent faire constater l’abandon de déchets, dresser procès-verbal, et engager des poursuites.
Une responsabilité individuelle et collective
Au-delà du cadre légal, la gestion des viscères et déchets de venaison est aujourd’hui un enjeu d’image et de responsabilité pour le monde cynégétique. Les chasseurs sont soumis aux mêmes exigences que tout producteur de déchets. En respectant les bonnes pratiques (enfouissement réglementé, collecte organisée, dépôts responsables) ils contribuent à préserver la qualité des milieux naturels, à éviter les nuisances pour les riverains et à protéger la réputation de la chasse.
La multiplication des projets pilotes et des partenariats avec les collectivités locales marque une évolution importante : la gestion des déchets cynégétiques devient une affaire collective, structurée et encadrée. Ce tournant pourrait à terme généraliser les systèmes de collecte mutualisés à l’échelle nationale, garantissant une chasse responsable jusqu’à la dernière étape.










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