Une question sensible, un cadre juridique strict
La question de savoir si un chasseur peut légalement tirer sur un chat revient régulièrement dans les débats publics, notamment à l’automne, lors de la pleine saison de chasse. Entre rumeurs, polémiques et faits divers, il est essentiel de revenir aux bases : que dit la loi française ? Peut-on tirer sur un animal domestique sous prétexte qu’il erre ou se trouve sur une zone de chasse ? En un mot : non. Mais comme souvent, la réalité dépend du contexte, de la réglementation locale et de l’interprétation du préjudice à la faune sauvage.
Le chat : un animal domestique protégé par la loi
Le chat est un animal domestique, juridiquement reconnu comme tel par le Code rural et de la pêche maritime. Il est protégé en tant qu’être vivant doué de sensibilité (article L214-1). Son propriétaire, ou détenteur, est responsable de sa protection et de sa surveillance. Tuer un chat, même errant, est une infraction pénale passible de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (article 521-1 du Code pénal).
Même lorsqu’il se trouve en pleine nature, le chat domestique ne devient pas automatiquement un nuisible, ni une espèce chassable. Il ne figure pas sur la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (anciennement appelées « nuisibles »), ce qui signifie qu’il n’est jamais autorisé de le tirer dans le cadre légal de la chasse.
Qu’en est-il des chats errants ou sans identification ?
Les cas les plus litigieux concernent les chats errants, c’est-à-dire sans collier, tatouage ou puce électronique, vivant à proximité de fermes, de bois, ou dans des zones de chasse au petit gibier. Certains chasseurs ou éleveurs de gibier affirment que ces chats représentent une menace pour la faune sauvage, notamment les oiseaux, les lapins ou les perdrix.
Pour autant, même si un chat est en liberté non contrôlée, son abattage par arme à feu constitue un délit. Le seul cadre légal autorisant une régulation de population est la capture dans le cadre d’une campagne communale de stérilisation, menée par une association ou une fourrière animale, avec accord du maire. En aucun cas, un particulier ou un chasseur ne peut se substituer à l’autorité compétente.
Et si le chat se trouve sur une propriété de chasse ?
Certains affirment que si un chat entre sur un territoire de chasse, le détenteur du droit de chasse pourrait s’en débarrasser. C’est faux. Le droit de propriété ou le droit de chasse ne donne aucun droit à tirer sur un animal domestique. De plus, toute action létale exercée sans motif valable constitue une atteinte au bien d’autrui, susceptible d’être poursuivie au pénal comme au civil.
Même en cas de dommages réels (chat chassant le gibier d’élevage, ou attaquant des faisandeaux), la solution ne peut pas être l’arme à feu. Le chasseur, en tant que gardien de la nature, est tenu à une obligation de modération et de protection des espèces domestiques.
Tir de chat : les risques juridiques pour le chasseur
Un chasseur surpris à tirer sur un chat risque :
- Une sanction pénale (article 521-1 du Code pénal),
- Le retrait de son permis de chasser,
- Des dommages et intérêts envers le propriétaire du chat,
- Une exclusion des sociétés de chasse ou ACCA,
- Un signalement à la préfecture ou à l’OFB.
Même si le chasseur prétend ne pas avoir vu qu’il s’agissait d’un chat, sa responsabilité est engagée s’il tire sans être sûr de l’espèce visée. Le principe de précaution s’applique : en cas de doute, il est strictement interdit de faire feu.
Cas d’exception : chat haret, un cas très encadré
Le chat haret, ou chat retourné à l’état sauvage, pose un cas à part. Il s’agit de chats totalement redevenus sauvages, vivant en colonies, souvent dans des zones forestières éloignées. Dans de très rares cas, certains préfets peuvent autoriser des campagnes de régulation, mais elles sont strictement encadrées, uniquement par piégeage, et jamais par tir.
Ces opérations sont généralement menées par des piégeurs agréés ou des services municipaux, et doivent faire l’objet d’un arrêté préfectoral spécifique. Là encore, il ne s’agit jamais de chasse, mais de régulation administrative avec objectifs précis (protection d’espèces menacées, sauvegarde d’oiseaux nicheurs, etc.).
Ce que dit la jurisprudence
De nombreux cas portés devant les tribunaux montrent que les juges sanctionnent sévèrement les chasseurs ayant tiré sur un chat. En 2021, un chasseur de la Loire a été condamné à 5 000 € d’amende et à l’interdiction de port d’arme pendant 2 ans pour avoir tué un chat errant « par habitude ». En 2019, dans l’Aisne, un autre a été poursuivi pour acte de cruauté, malgré l’absence d’identification du chat.
La présence de flocage, de collier GPS, ou de tatouage permet au propriétaire d’apporter la preuve de l’appartenance du chat, et de demander réparation. Mais même sans identification, l’animal est protégé par le principe de bien-être animal, reconnu dans les textes européens et français.
Prévenir les conflits entre chasseurs et propriétaires de chats
La cohabitation entre chasseurs et propriétaires d’animaux domestiques passe par le dialogue, la vigilance, et le respect mutuel. Les propriétaires de chats qui vivent à la campagne doivent éviter de laisser leurs animaux errer trop loin, surtout durant la saison de chasse. De leur côté, les chasseurs sont invités à signaler les animaux domestiques en présence, à renoncer au tir en cas de doute, et à rapporter tout incident à leur fédération départementale.
Des panneaux de signalisation, une meilleure communication locale, et une information réciproque sur les zones de passage peuvent éviter bien des conflits. Le respect de la faune sauvage va de pair avec celui des animaux de compagnie.
Willy Schraen et l’affaire du chat
L’affaire remonte à mai 2020, lorsque Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, a déclenché une vive polémique en évoquant le tir des chats errants dans une interview au média Chassons.com. Il y déclarait : « Le chat qui traîne à plus de 300 mètres de toute habitation, il faut pouvoir le piéger. » Ces propos ont immédiatement suscité un tollé médiatique, notamment du côté des associations de protection animale, comme la Fondation Brigitte Bardot, qui a dénoncé un appel à la maltraitance animale.
L’opinion publique s’est largement mobilisée contre cette déclaration, obligeant Willy Schraen à s’expliquer. Il s’est expliqué en évoquant le chat haret, c’est-à-dire les chats retournés à l’état sauvage, vivant en milieu forestier et menaçant certaines espèces d’oiseaux nichant au sol. Il a également évoqué les dégâts causés à la biodiversité, insistant sur la nécessité d’une régulation raisonnée, à l’instar d’autres espèces comme les rats musqués ou les renards.
Mais le mal était fait. De nombreuses personnalités politiques et du monde animaliste ont appelé à sa démission, tandis que des milliers d’internautes signaient des pétitions dénonçant ses propos. L’affaire a révélé une fracture entre le monde de la chasse et celui des défenseurs des animaux, mais aussi un flottement juridique autour de la définition du chat errant, haret, ou domestique en liberté.











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