Sans la chasse, une grande partie du patrimoine cynophile français aurait déjà disparu. Derrière chaque chien de chasse, il y a des siècles de sélection, d’observation, de passion et d’efforts menés par les chasseurs. Ces femmes et ces hommes entretiennent, perfectionnent et sauvegardent des races entières qui, sans eux, seraient aujourd’hui menacées.
La chasse, berceau des races françaises
Sur les 400 races de chiens reconnues par la Fédération Cynologique Internationale (FCI), plus d’un quart ont été créées pour la chasse. Rien qu’en France, la Société Centrale Canine (SCC) recense plus de 60 races françaises dites “de chasse”, des chiens courants aux chiens d’arrêt, en passant par les retrievers et les terriers.
Ces races n’existent pas par hasard : elles sont le fruit d’une adaptation fine à des milieux, des gibiers et des pratiques spécifiques.
Sans chasse, il n’y aurait ni Braque du Bourbonnais, ni Griffon Nivernais, ni Gascon Saintongeois, ni Épagneul Breton, ni Bleu de Gascogne. Ces chiens ont été façonnés pour répondre à un besoin concret : suivre, lever ou rapporter le gibier.
Des chiens façonnés par l’effort et la sélection
Contrairement à de nombreuses races “de compagnie” créées pour l’apparence, les chiens de chasse sont sélectionnés sur la performance et la santé. Les chasseurs pratiquent une sélection rigoureuse :
- endurance, pour suivre des animaux parfois plusieurs heures ;
- odorat développé, essentiel pour suivre les animaux
- robustesse, afin de résister au froid, à l’eau ou aux terrains accidentés ;
- tempérament stable et obéissant, gage de sécurité lors des tirs notamment.
Cette sélection empirique, issue du terrain, permet de préserver un patrimoine génétique solide, à l’abri de la dérive esthétique. Là où certaines races urbaines souffrent de tares ou de consanguinité, les chiens issus de lignées de chasse restent parmi les plus sains et équilibrés.
Quelques exemples emblématiques
L’Épagneul Breton, fleuron national
C’est la race française la plus exportée dans le monde. Né dans le centre de la Bretagne au XIXe siècle, il a conquis l’Europe et l’Amérique grâce à sa polyvalence à la chasse. Aujourd’hui, plus de 10 000 chiots LOF sont enregistrés chaque année. Sans la pratique de la chasse, cette race perdrait sa raison d’être : l’arrêt instinctif, la quête en terrain ouvert et la complicité avec le chasseur.
Le Grand Bleu de Gascogne, gardien des traditions
Ce chien courant, descendant direct du chien de Saint-Louis, était autrefois le compagnon des équipages du Sud-Ouest. Il reste élevé et entraîné par des chasseurs passionnés pour la chasse au sanglier et au chevreuil. Sans cette pratique, les effectifs s’effondreraient : en 2024, à peine 1 200 inscriptions LOF ont été enregistrées, un chiffre qui ne tient que grâce aux sociétés de chasse.
Le Teckel, entre tradition et utilité
Longtemps considéré comme un simple chien de compagnie, le Teckel est d’abord un chien de chasse au sanglier et au renard. Ses aptitudes sont inégalées. Les chasseurs français ont largement contribué à maintenir ses lignées saines et courageuses. Sans la chasse, cette race deviendrait un chien “urbain” parmi d’autres, perdant son instinct et sa rusticité.
Le Griffon Korthals, entre élégance et efficacité
Race néerlandaise perfectionnée en France, le Korthals est un chien d’arrêt exceptionnel. Il allie endurance, douceur et intelligence. Il est sélectionné chaque année dans des concours de travail organisés par les clubs de race garantissant la bonne santé génétique et la qualité comportementale des lignées.
Quand la chasse soutient la génétique canine
Le rôle du chasseur est aujourd’hui essentiel pour la santé des chiens de race.
Les concours de travail, les épreuves de chasse et les tests de sélection morphologiques et comportementaux permettent de choisir les reproducteurs les plus performants et équilibrés. Cette rigueur évite la dérive vers des critères purement esthétiques.
Les clubs de race investissent dans la recherche génétique et sanitaire. Ainsi, la Fédération des Éleveurs de Chiens de Chasse (FECC) participe à des programmes de dépistage de la dysplasie, de la cataracte et de maladies héréditaires, garantissant une reproduction saine.
Si la chasse s’arrêtait, la biodiversité canine s’effondrerait
L’arrêt de la chasse aurait des conséquences désastreuses sur le patrimoine cynophile français :
- disparition progressive de races locales, faute d’utilisation et d’entretien ;
- perte d’un savoir-faire d’élevage unique, transmis de génération en génération ;
- affaiblissement de la diversité génétique canine, qui dépend étroitement des programmes d’élevage encadrés par les chasseurs.
Certaines races déjà fragiles, comme le Porcelaine, le Billy, le Griffon Fauve de Bretagne ou le Basset Bleu de Gascogne, ne survivraient probablement pas à la fin de la chasse. Leur maintien dépend directement des chasseurs qui les élèvent, les dressent et les utilisent chaque saison.
Le chasseur, dernier gardien d’un héritage vivant
Derrière la chasse, il y a une culture vivante, un lien profond entre l’homme, le chien et la nature. Le chasseur n’est pas seulement un régulateur du gibier : il est aussi le garant d’une diversité génétique et culturelle que peu de pays peuvent revendiquer.
Supprimer la chasse, ce serait renoncer à une part de notre histoire, mais aussi fragiliser tout un pan de la biodiversité domestique.
Car sans chasse, il n’y aurait plus de chiens de chasse — et sans chiens de chasse, une partie de la ruralité française s’éteindrait.











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