La chasse à courre occupe une place importante dans le paysage cynégétique français. Héritière d’une tradition pluriséculaire, cette pratique rassemble chaque année plus de 100 000 suiveurs, selon les estimations des fédérations et de la société de vènerie. Pourtant, une réalité surprend : une grande partie de ces suiveurs n’est pas titulaire d’un permis de chasser. Une situation parfaitement légale, puisque seuls ceux qui participent activement à l’action de chasse — maître d’équipage, piqueux ou boutons — doivent le posséder et le valider. Les autres, souvent jeunes, curieux ou simplement passionnés par l’ambiance unique de la vénerie, peuvent suivre les équipages sans aucune obligation.
Cette singularité interroge. Alors que la chasse à l’arc bénéficie depuis des années d’une formation spécifique et d’un permis classique complété d’un module dédié, pourquoi la chasse à courre ne pourrait-elle pas disposer d’un permis de chasser adapté ? Un permis théorique, sans pratique du tir, conçu comme une porte d’entrée vers la chasse, mais aussi comme une reconnaissance officielle du rôle des suiveurs dans cette pratique.
Une pratique historique avec un public spécifique
La vénerie compte aujourd’hui parmi les modes de chasse les plus encadrés en France. Elle mobilise des équipages structurés, un corpus réglementaire précis et une tradition forte. Ce mode de chasse attire également un public particulier : davantage de femmes, beaucoup de jeunes et de passionnés de nature. Contrairement à la chasse à tir, où l’engagement passe par l’obtention d’un permis complet, la chasse à courre permet d’être acteur ou observateur sans condition administrative particulière.
Cette accessibilité est l’une des raisons de son succès populaire : on peut suivre une chasse avec une simple pibole ou un fouet, sans arme. Pourtant, cet atout pourrait aussi devenir une opportunité manquée : celle de fédérer ces milliers de suiveurs autour d’un permis simplifié, une première étape vers un permis de chasser complet.
Un permis théorique pour une pratique sans tir
Imaginons un permis de chasser théorique, spécifiquement conçu pour les suiveurs de chasse à courre. Ce document ne donnerait pas le droit de chasser avec une arme, mais offrirait :
- une formation à la réglementation,
- une sensibilisation à la sécurité à la chasse, même sans arme,
- des notions de biologie et d’éthique de la faune sauvage,
- une légitimation officielle de la place du suiveur dans l’écosystème de la chasse française.
Cette formule n’est pas si éloignée de ce qui existe déjà pour la chasse à l’arc, où une formation complémentaire obligatoire accompagne l’obtention du permis traditionnel. Elle s’inscrirait aussi dans une logique d’ouverture progressive : permettre aux passionnés d’entrer dans le monde cynégétique sans nécessairement franchir le pas du tir immédiat.
Un levier pour élargir la base de porteurs de permis
La France compte aujourd’hui un peu moins d’ 1 million de titulaires du permis de chasser. Un permis simplifié, accessible et centré sur la culture cynégétique, pourrait faire grandir ce socle. Les suiveurs , nombreux et souvent très investis, constituent un vivier naturel pour cela.
Une telle évolution permettrait de :
- renforcer la visibilité statistique des pratiquants de chasse à courre,
- valoriser leur engagement et leur connaissance du terrain,
- favoriser le dialogue avec les institutions cynégétiques et les fédérations départementales,
- et peut-être, à terme, encourager de nouveaux candidats à passer le permis complet.
Une mesure en phase avec les évolutions sociétales
Dans un contexte où la chasse en France est souvent débattue et scrutée, une telle mesure pourrait aussi répondre à un double objectif : mieux encadrer les suiveurs, tout en ouvrant la chasse à un public plus large. La chasse à courre, souvent caricaturée mais profondément ancrée dans le patrimoine rural, attire chaque année de nouveaux participants qui, pour beaucoup, ne franchissent jamais le pas du permis.
Un permis théorique serait un moyen de leur donner une place reconnue, d’encourager une pratique responsable et éclairée, et de faire le lien entre les différents univers cynégétiques.
Un enjeu stratégique pour la filière cynégétique
Dans une filière qui cherche à renouveler ses effectifs, à mieux communiquer et à préserver ses pratiques, une telle mesure serait stratégique. Elle permettrait de :
- Accroître le nombre de porteurs de permis,
- Renforcer la cohésion entre modes de chasse,
- Créer un tremplin d’intégration pour les jeunes et les femmes,
- Mettre en avant une chasse encadrée, moderne et inclusive.
Rien n’interdit aujourd’hui à la Fédération nationale des chasseurs ou aux autorités de réfléchir à un tel modèle. Le permis de chasser a déjà évolué au fil du temps : pourquoi ne pourrait-il pas s’adapter encore, en reconnaissant la spécificité de la vénerie ?
Et si cette idée devenait une opportunité stratégique pour la chasse française : faire entrer dans la communauté cynégétique des milliers de passionnés, légitimer leur présence, et créer un nouveau modèle d’apprentissage plus souple et accessible. La vénerie pourrait ainsi devenir non seulement un héritage vivant, mais aussi une porte d’entrée vers l’avenir de la chasse.












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