Quelles sont les caractéristiques du chien de Saint-Hubert ?
Quiconque a déjà vu de près un chien de Saint-Hubert en action ne peut qu’être frappé par son allure noble, son port de tête grave, et surtout, son nez rivé au sol comme s’il lisait une carte invisible. Cette énigmatique « lecture » est en fait le fruit de millénaires d’évolution au service d’une seule mission : suivre une piste ou une voie. Appelé aussi « bloodhound » dans le monde anglo-saxon, le chien de Saint-Hubert est l’une des races les plus anciennes et les plus fascinantes du monde canin. Il conjugue puissance, endurance, et un étonnant mélange de douceur et de détermination. Sa réputation dépasse aujourd’hui largement le cercle des chasseurs : il est également un acteur discret mais essentiel dans le monde du secours et de la sécurité publique
Ce chien à l’allure massive, reconnaissable à sa peau lâche et plissée, est d’abord un pisteur né. Il appartient aux chiens courants, catégorie 6 de la FCI (Fédération cynologique internationale), dans le groupe des chiens de chasse. Il possède un flair exceptionnel : des études scientifiques ont estimé qu’il peut suivre une trace vieille de plus de 120 heures, sur des kilomètres, même en milieu urbain, et ce avec une précision stupéfiante.
Le chien de Saint-Hubert est de taille moyenne à grande, pesant entre 40 et 54 kg pour les mâles, un peu moins pour les femelles. Il arbore une robe unicolore (généralement noire et feu ou foie et feu), un poil court, des oreilles longues, fines et tombantes, et une queue portée en sabre. Ses yeux de forme ovale, souvent cerclés de paupières tombantes, renforcent son expression mélancolique. Sa personnalité est marquée par un caractère doux, affectueux, calme, parfois têtu, mais toujours attaché à son maître.
Quelle est l’histoire du chien de Saint-Hubert ?
L’origine de la race remonte au VIIIe siècle, dans l’abbaye de Saint-Hubert en Ardenne belge, où les moines bénédictins ont sélectionné des chiens de chasse dotés de qualités olfactives hors du commun. Ils en firent le limier officiel des chasses de cerfs, servant aussi à retrouver les pèlerins perdus dans les bois brumeux des Ardennes. Ces chiens furent si réputés que leur lignée traversa les frontières, notamment sous Guillaume le Conquérant, qui les importa en Angleterre au XIe siècle. Devenus bloodhounds, ils servirent ensuite pour la chasse à courre, mais aussi dans des missions judiciaires : ils suivaient la trace de fugitifs, de voleurs de bétail, ou de personnes disparues.
Leur nom s’est ainsi imposé comme une référence dans tout l’Occident médiéval, et leur descendance s’est dispersée dans les chenils royaux, les monastères et, plus tard, dans les services de police modernes.
Comment le chien de Saint-Hubert est-il utilisé ?
Encore aujourd’hui, le chien de Saint-Hubert est prisé pour ses capacités à suivre une voie, ce qui en fait un chien de chasse redoutable, mais aussi un auxiliaire précieux pour la police, la gendarmerie et les unités de sauvetage. Aux États-Unis, il est notamment très utilisé pour localiser des personnes portées disparues ou pour résoudre des enquêtes criminelles. En France, certains départements l’emploient comme chien policier lors de traques ou dans des équipes cynophiles de recherche.
Par exemple, en 2021, un Saint-Hubert nommé « Duke » a permis aux autorités du Tennessee de retrouver une fillette de 6 ans disparue depuis deux jours. Duke a suivi une piste sur plus de 14 km à travers bois et routes secondaires, jusqu’à localiser l’enfant, saine et sauve. En 2015, dans les Alpes, un Saint-Hubert français a été mis à l’honneur pour avoir aidé à localiser un randonneur blessé, tombé dans un ravin escarpé. Grâce à son odorat, l’homme a pu être secouru avant la tombée de la nuit.
En 2023, une opération spectaculaire menée dans le Parc national des Pyrénées a mis en lumière l’utilité exceptionnelle du Saint-Hubert. Un randonneur de 69 ans, blessé après une chute, était porté disparu depuis plus de 24 heures. Les recherches s’enlisaient à cause de conditions météorologiques extrêmes. C’est alors qu’Armand, un Saint-Hubert de 8 ans a été mobilisé par la brigade des Hautes-Pyrénées. Armand a suivi une piste vieille de plus de 30 heures dans un terrain escarpé, jusqu’à localiser l’homme, coincé sous un rocher. L’intervention rapide des secours a permis son évacuation. Ce sauvetage a suscité un fort engouement médiatique et relancé les discussions sur la formation et l’équipement des unités cynophiles françaises.
Dans le monde de la chasse, bien que moins utilisé qu’autrefois, le chien de Saint-Hubert conserve ses lettres de noblesse au sein de quelques meutes. Ils sont surtout utilisés pour la recherche au sang. Leur odorat leur permet de retrouver une voie plusieurs jours après le passage d’un animal blessé. Certains entretiennent encore ces lignées, souvent transmises de génération en génération.
Un flair hors du commun validé par la science
Les capacités olfactives du Saint-Hubert ne relèvent pas du mythe. Plusieurs études scientifiques ont tenté d’objectiver ce que les maîtres-chiens savent déjà : ce chien est un prodige du nez. Une étude menée par l’université de l’Alabama a comparé les performances de différentes races dans des exercices de pistage complexe. Résultat : le Saint-Hubert identifiait et suivait une piste humaine avec une précision supérieure à 96 %, y compris dans des environnements urbains saturés d’odeurs parasites. Les chercheurs ont également observé que le chien pouvait suivre une trace laissée plus de cinq jours auparavant, un exploit que même les meilleurs chiens de police classiques n’égalent pas.
Ce flair exceptionnel s’explique par des caractéristiques anatomiques uniques : le Saint-Hubert dispose d’environ 300 millions de récepteurs olfactifs, contre 5 millions chez l’humain. Sa truffe, large et humide, capte les particules odorantes avec une efficacité redoutable, tandis que ses longues oreilles et ses plis de peau aident à canaliser les effluves vers ses narines lorsqu’il court le nez au sol. On dit souvent que ce chien « voit avec son nez », tant son comportement est gouverné par l’odeur.
Une race à préserver : entre reconnaissance et fragilité
Malgré sa renommée et son utilité indiscutable, le chien de Saint-Hubert reste une race relativement rare en France. Selon la Société Centrale Canine, on enregistre chaque année moins de 100 naissances sur le territoire. Cette faible diffusion s’explique par des critères stricts de sélection, mais aussi par les besoins spécifiques du chien : espace, activité régulière, et surtout, un maître patient et impliqué. Ce n’est pas un chien de salon ni un débutant de l’obéissance. Son tempérament calme cache une volonté de fer lorsqu’il est sur une piste, ce qui nécessite une éducation adaptée.
Des passionnés, souvent chasseurs ou membres d’équipes cynophiles, militent aujourd’hui pour une meilleure reconnaissance de la race. Des clubs spécialisés organisent des démonstrations de pistage, sensibilisent les autorités aux avantages du Saint-Hubert en mission de secours, et veillent à préserver une génétique de qualité. Car au-delà de ses exploits, ce chien est aussi un patrimoine vivant, témoin d’un lien millénaire entre l’homme, la chasse et le monde naturel.
La recherche au sang en France : une formation encadrée et essentielle
En France, la recherche au sang est une pratique reconnue et strictement encadrée, qui vise à retrouver un gibier blessé après un tir. Elle répond à une exigence éthique de plus en plus affirmée dans le monde cynégétique : ne pas laisser souffrir inutilement un animal blessé, tout en s’appuyant sur le flair exceptionnel de chiens spécialisés. Le chien de Saint-Hubert, avec son nez légendaire, occupe encore une place de choix dans cette discipline, bien qu’il soit aujourd’hui en concurrence avec d’autres races, plus légères ou plus faciles à dresser.
Un encadrement légal depuis 2005
Depuis l’arrêté ministériel du 18 mars 2005 relatif à l’agrément des conducteurs de chiens de sang, cette pratique s’est structurée sur tout le territoire français. Chaque département dispose désormais d’un réseau de conducteurs agréés, rattachés à sa fédération, ou à des associations spécialisées.
Pour être agréé, un conducteur doit :
- Suivre une formation initiale théorique et pratique,
- Réussir un examen d’aptitude organisé sous l’autorité de la FNC ou des fédérations locales,
- Travailler avec un chien déclaré apte à la recherche au sang (parmi une liste de races reconnues).
Parmi ces races figurent : le Saint-Hubert, le teckel à poil dur, le basset artésien normand, le rouge de Hanovre, ou encore le rouge de Bavière. Le Saint-Hubert est particulièrement apprécié pour les voies longues et anciennes.
Une formation exigeante pour des binômes opérationnels
La formation d’un conducteur de chien de sang dure en général entre 6 mois et 1 an, selon le niveau d’engagement. Elle comprend :
- Une partie théorique sur la balistique, le comportement animal, la lecture des indices sur le terrain (poils, sang, empreintes),
- Une partie pratique en terrain boisé, avec des pistes artificielles tracées à l’avance (sang de gibier, ongle de chevreuil),
- Des mises en situation simulées, où le binôme conducteur/chien doit retrouver la trajectoire d’un animal blessé.
Chaque département organise plusieurs sessions par an, souvent au printemps et à l’automne. Les formations sont gratuites ou symboliquement tarifées, les frais étant pris en charge par les fédérations de chasse.
Une fois agréé, le conducteur s’engage à intervenir gratuitement, à la demande d’un chasseur ou d’un garde particulier, pour retrouver un animal blessé et écourter ses souffrances. Il ne chasse pas lui-même pendant ces interventions, et son rôle est purement technique et éthique.
Des chiffres qui progressent
Selon les données de la FNC, plus de 1 500 conducteurs agréés sont actuellement en activité en France. Chaque année, ce sont entre 15 000 et 20 000 recherches au sang qui sont officiellement enregistrées, avec des taux de réussite variables selon le gibier et la réactivité du signalement.
Certaines régions, comme l’Alsace, la Bretagne ou la Nouvelle-Aquitaine, sont particulièrement bien organisées, avec des réseaux de conducteurs très réactifs et un véritable suivi statistique. Les fédérations encouragent désormais le signalement systématique des animaux blessés, y compris en cas d’échec du tir, pour limiter les pertes et renforcer l’image responsable de la chasse.
Le rôle discret mais décisif du Saint-Hubert
Bien que moins répandu que le rouge de Hanovre ou le teckel à poil dur, le chien de Saint-Hubert continue d’être utilisé dans plusieurs départements. Son odorat inégalé en fait un spécialiste des pistes froides, c’est-à-dire des voies laissées plusieurs heures, voire plusieurs jours auparavant.
Il est parfois mobilisé en “second rideau”, lorsque les races plus légères échouent à trouver l’animal. En terrain difficile, ou dans des cas de gibier touché mais fuyant sur de longues distances, le Saint-Hubert démontre une capacité d’analyse olfactive précieuse. Sa lenteur est parfois un handicap en zone très accidentée, mais sa détermination compense largement.
Certains binômes expérimentés, notamment dans le Massif central et les Ardennes, ne jurent que par cette race ancienne : « Il faut savoir attendre, lire son attitude, et lui laisser du temps. Mais quand il prend la voie, c’est du solide. », résume un conducteur auvergnat rencontré lors d’une session de formation.












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