Au Japon, la multiplication des attaques d’ours prend des proportions dramatiques : près de 200 personnes agressées depuis le début de l’année, treize décès, des incursions jusque dans les villages, les gares, et même les toilettes publiques. Face à la panique, le gouvernement a été contraint de faire appel à l’armée, preuve que l’absence de gestion cynégétique rigoureuse mène inévitablement au chaos.
Un agent attaqué dans des toilettes publiques
La scène paraît irréelle et pourtant : dans la nuit du 28 novembre, un agent de sécurité de 69 ans a été attaqué par un ours alors qu’il sortait de toilettes publiques près d’une gare, dans la préfecture de Gunma. L’animal s’est approché de la cabine et a fait tomber l’homme au sol. Par réflexe, la victime s’est débattue à coups de pied et a réussi à faire fuir l’ours. Légèrement blessé à la jambe, il a rejoint en panique le poste de police le plus proche. Si l’incident n’a pas fait de victime grave, il n’en reste pas moins le symbole d’une situation qui s’emballe dans tout le pays.
Explosion des attaques : le Japon dépassé, l’armée appelée en renfort
En 2025, près de 200 attaques d’ours ont été recensées à travers le Japon : treize morts, de nombreux blessés, et des interventions dans des lieux aussi variés que des stations de ski, des supermarchés ou des villages de montagne. Les autorités ont fini par déployer l’armée dans plusieurs régions pour contenir les animaux, et les ambassades étrangères n’hésitent plus à appeler leurs ressortissants à la vigilance.
Pourtant, ce chaos était prévisible : depuis des décennies, le Japon a drastiquement limité la chasse à l’ours, et le nombre de chasseurs n’a cessé de baisser. Le résultat : une population ursine hors de contrôle, des animaux de plus en plus familiers de l’homme, et un pays obligé de recourir à des solutions extrêmes pour tenter de reprendre la main.
Le changement climatique, mais surtout la faute à l’homme
Les experts évoquent le changement climatique comme facteur aggravant : les tempêtes ont détruit la végétation, forçant les ours à s’approcher des zones urbaines pour trouver de la nourriture. Mais le vrai problème reste le renoncement à la gestion humaine : moins de chasseurs, moins de régulation, et des populations de prédateurs livrées à elles-mêmes.
Les ours présents au Japon : deux espèces, une présence envahissante
Contrairement à une idée répandue, le Japon n’abrite pas une seule mais deux espèces d’ours : l’ours brun de Hokkaidō et l’ours noir asiatique, présent sur Honshū, Shikoku et encore très marginalement à Kyūshū. L’ours brun, le plus massif, peut atteindre 300 kg et s’attaque volontiers aux élevages ou aux cultures lorsqu’il manque de nourriture. L’ours noir asiatique, plus léger mais plus agile, est connu pour sa tache blanche en croissant et son comportement beaucoup plus opportuniste. Tous deux sont omnivores, capables de se nourrir de glands, de fruits, de racines, d’insectes comme de carcasses, et n’hésitent pas à explorer les abords des maisons ou des zones touristiques en cas de pénurie.
La reproduction survient en été mais, comme chez beaucoup d’ursidés, l’implantation de l’embryon est différée : les femelles mettent bas en plein hiver, dans des tanières proches des zones forestières d’altitude. Les portées comptent en général un à trois oursons, qui suivent la mère pendant un an et demi. Avec la raréfaction des ressources due aux tempêtes et aux fluctuations saisonnières, les femelles affamées n’hésitent plus à s’approcher des villages, augmentant drastiquement le risque d’incidents. Résultat : la cohabitation entre l’homme et l’ours est devenue explosive, ce qui explique l’augmentation vertigineuse des attaques ces deux dernières années.
Une faune hors de contrôle : sangliers, cerfs et manque criant de chasseurs
Le problème ne se limite pas aux ours. Le Japon traverse une véritable crise de gestion de la faune sauvage, conséquence directe de l’effondrement du nombre de chasseurs. L’âge moyen dépasse désormais 65 ans, et les jeunes ne se forment plus : dans certaines préfectures rurales, les équipes de chasse sont si réduites qu’il devient impossible de réguler les populations d’animaux. Les sangliers prolifèrent à une vitesse alarmante, ravagent les cultures, envahissent les zones urbaines et poussent parfois les ours à modifier leurs territoires. Les cerfs sika, eux, détruisent massivement la végétation forestière, accentuant l’érosion des sols et bouleversant les écosystèmes locaux.
Faute de chasseurs suffisamment nombreux, les autorités doivent multiplier les abattages administratifs, faire appel aux forces d’autodéfense ou recourir à des dispositifs d’urgence censés pallier l’absence de régulation cynégétique. Une situation ubuesque pour un pays développé : une faune qui explose, des villages en état d’alerte, et un modèle de gestion qui repose désormais sur l’armée plutôt que sur les chasseurs. Une impasse que le gouvernement devra affronter tôt ou tard, sous peine de voir ces crises se répéter chaque année.












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